Pour approfondir cette rubrique, je vous conseille le livre Psychologie des apprentissages scolaires de M. CRAHAY et M. DUTREVIS, dont sont extraites ces études et observations.
L’apprentissage en situation scolaire : un processus multidimensionnel
- La mémoire de travail : facteur clef du développement cognitif et des apprentissages scolaires
La mémoire de travail permet de : sélectionner les informations qui doivent être traitées et les connaissances antérieures qu’il semble opportun d’activer ; inhiber les traitements automatisés ; réguler le flux attentionnel et maintenir disponibles les informations et/ou connaissances pertinentes et, au contraire, inhiber celles qui ne le sont pas ; et coordonner les opérations liées à la réalisation de différentes activités.
Différents éléments sont distingués dans le modèle de Baddeley, ayant différentes fonctions :
- Le biffer épisodique : dont la fonction est de maintenir disponibles temporairement les informations nécessaires à la réalisation de la tâche
- L’administrateur central : responsable du contrôle des stratégies d’encodage des informations venant de l’extérieur, et de la récupération en MLT es connaissances antérieures jugées utiles à la réalisation de la tâche. De même, il gère l’attention et la coordination des systèmes esclaves, qui sont la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial.
A l’inverse, le modèle de Cowan considère la mémoire comme un tout unifié, dont la MDT est une partie activée de la MLT. Cependant peu importe le modèle considéré, la gestion du focus attentionnel semble au centre de tout processus d’apprentissage.
Case pose une hypothèse fiable selon laquelle les traitements deviennent (avec la maturation et l’exercice) de plus en plus fluides et efficaces, ce qui nécessite moins de ressources et libère donc de l’espace pour le maintien d’informations. Nous retiendrons l’idée d’un impact de l’efficacité des traitements sur le maintien en parallèle de diverses informations, connaissances ou schèmes.
- Un indispensable va-et-vient entre apprentissages implicites et explicites
Il faut retenir l’idée selon laquelle le traitement en parallèle ou la coordination de connaissances complémentaires est une nécessité dès le plus jeune âge, ou autrement dit, dès les tout premiers apprentissages. Pour apprendre, il faut passer d’une réussite en acte à une conceptualisation. Karmiloff-Smith parle de redescription représentationnelle : prise de conscience qui implique à la fois un changement de but et un déplacement de l’attention. Il faut en effet cibler l’attention sur le déroulement de la procédure elle-même et non plus sur ses effets.
Les bénéfices de l’explication pour l’apprentissage sont indéniables, mais ils sembleraient qu’ils ne soient pas possibles à tout âge. Par ailleurs, on sait aujourd’hui que les traitements explicites sont couteux du fait qu’ils requièrent d’importantes ressources attentionnelles, pouvant avoir pour conséquence de créer une surcharge cognitive. A l’inverse, les traitements automatisés ont l’avantage de la vitesse de traitement mais aussi da la faible demande en ressources attentionnelles ; ce qui a une valeur adaptative indiscutable. Il appartient alors à l’école de construire des automatismes, et ce dans tous les domaines (lecture, compréhension, écriture, arithmétique, résolution de problèmes, etc.).
La difficulté de la plupart des apprentissages scolaires est qu’ils se situent à l’interface de processus implicites et de connaissances explicitées et réfléchies. Cependant, Gombert et al. (2004) souligne que la gestion des apprentissages scolaires implique que les apprentissages implicites et explicites soient bien différenciés et coordonnés. En effet, l’apprentissage commence avant tout par un apprentissage formel explicite) puis les comportements s’adaptent progressivement aux caractéristiques des situations, sans que l’individu recoure intentionnellement à une connaissance explicite (on passe alors dans l’implicite).
- La question des stratégies
Au début de sa scolarité, l’enfant dispose de différentes stratégies pour atteindre un but. Puis au fur et à mesure qu’il se perfectionne, et ainsi découvre quelles sont les stratégies les plus efficaces, l’enfant va devoir inhiber les mauvaises pour activer la plus efficace. Houdé (2008) parle aussi de contrôle inhibition ou désautomatisation : il s’agit d’apprendre à inhiber les automatismes acquis pour permettre la mise en place d’une ou d’autres stratégies cognitives.
En résumé : « Tout apprentissage scolaire est complexe au sens qu’il est conçu d’éléments divers, interdépendants. Sa compréhension nécessite de faire la prise en compte de l’articulation de capacités cognitives multiples. Interviennent également des croyances épistémiques et motivationnelles. En ce sens, tous les apprentissages scolaires requièrent des montages cognitifs et motivationnels à la croisée de processus développementaux endogènes et de modalités d’apprentissage diverses. Cette thèse conduit non seulement à la combinaison de pratiques développant l’automatisation des connaissances que leur compréhension, mais également à la prise en compte et à la réflexion sur la forme d’étayage nécessaire à la coordination des facettes implicites et explicites des apprentissages, sans oublier l’élaboration de stratégies cognitives et métacognitives indispensable aux compétences plus sophistiquées. Cet étayage ou guidage doit en outre se réaliser en prenant en considération les dimensions motivationnelles de toute activité d’apprentissage ».
Le rôle du transfert des apprentissages dans l’acquisition des habiletés simples et complexes
La notion de transfert : « toute influence, positive ou négative, que peut avoir l’apprentissage ou la pratique d’une tâche sur les apprentissages ou les performances subséquentes ». Plusieurs restrictions à ce phénomène :
- La notion de transfert pourrait se limiter aux situations de résolution de problèmes ou à une de ses formes très particulière qu’est le raisonnement analogique.
- Le transfert serait un phénomène spontané devant apparaitre sans aucune assistance extérieure.
Les trois principaux paramètres permettant d’évaluer la qualité d’un apprentissage sont : l’acquisition, la rétention, et le transfert. En effet, le transfert se retrouve subordonné à ces 2 autres paramètres des apprentissages.
- Le transfert vertical
Le transfert vertical porte sur les relations hiérarchiques existant entre l’acquisitions d’habiletés simples et complexes dans un même domaine. Le transfert latéral (horizontal) porte quant à lui sur toutes les autres formes de transfert impliquant l’application d’apprentissages antérieurs dans un nouveau contexte mais à un niveau de complexité comparable.
Gagné (1962) nous dit qu’il existerait une hiérarchie des apprentissages impliquant que la maitrise de certaines connaissances de base et de certaines habiletés « préalables » rendrait possible l’apprentissage d’habiletés de plus haut niveau (= transfert vertical). Cela sous-tendrait l’existence d’une loi selon laquelle l’individu ne peut pas maitriser une habileté complexe s’il n’en maitrise pas d’abord ses éléments. Il y aurait donc bien une notion de hiérarchie d’apprentissage, confirmée par de nombreuses recherches issues de différents champs.
- Hiérarchie d’apprentissage et méthode d’enseignement
La simple démonstration de l’existence de hiérarchies d’apprentissages n’est pas suffisante pour établir la supériorité d’une stratégie pédagogique sur une autre. Baldwin et Ford (1988) ont par exemple mentionné qu’une méthode d’enseignement globale à partir de mises en situations complexes peut s’avérer avantageuse uniquement si le niveau d’aptitude de l’ensemble des apprenants est élevé, et si le niveau de complexité de la tâche est faible. Aussi, Snow (1986) a mentionné que « les élèves les plus faibles réussissent mieux lorsque l’enseignement est minutieusement structuré, lorsque les leçons sont décomposées dans une séquence d’unités simples, et lorsque l’enseignant exerce une supervision soutenue tout au long de l’activité et fournit des rétroactions fréquentes ».